Amazon rejoint Apple au firmament de la Bourse

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Mille milliards de dollars (863 milliards d’euros) : c’est ce que vaut désormais en Bourse la société Amazon. Le leader américain du commerce électronique a franchi ce cap, mardi 4 septembre, un mois après Apple. La capitalisation boursière cumulée de ces deux groupes équivaut quasiment à la richesse produite par la France en 2017, soit un produit intérieur brut de 2 291,7 milliards d’euros.

Amazon est arrivé deuxième, mais sa performance est autrement plus admirable que celle de l’inventeur de l’iPhone. Apple est une entreprise « classique », qui domine son marché en vendant à prix d’or ses appareils : 48 milliards de dollars de profits pour 230 milliards de chiffre d’affaires en 2017.

LES INVESTISSEURS SONT DÉSORMAIS CONVAINCUS QU’AMAZON, FONDÉE EN 1994, EST CAPABLE DE DÉGAGER DES PROFITS SOLIDES

Amazon était jusqu’à présent un géant du commerce peu rentable : 3 milliards de dollars de bénéfices seulement pour 178 milliards de chiffres d’affaires et 66 milliards de dollars de marge brute en 2017 – l’équivalent du chiffre d’affaires dans le secteur du commerce.

Mais, et c’est le grand changement qui a eu lieu au cours des derniers mois, les investisseurs sont désormais convaincus que l’entreprise fondée en 1994 à Seattle (Etat de Washington) par Jeff Bezos est capable de dégager des profits solides, alors qu’elle contrôle la moitié du commerce en ligne américain.

En juillet, Amazon a annoncé un résultat net trimestriel de 2,5 milliards de dollars, bien supérieur aux attentes, et un chiffre d’affaires en hausse de 40 %. C’est ce qui explique que la valeur de l’entreprise ait plus que doublé en un an et progressé de deux tiers depuis le début de l’année. La valorisation de l’action s’en ressent : la Bourse paie l’entreprise 162 fois ses bénéfices, contre 21 fois seulement pour Apple.

Bezos distance Gates et Buffett

Derrière, deux autres entreprises font la course pour intégrer le « club des 1 000 milliards » : Microsoft et Alphabet, l’entreprise propriétaire de Google, tandis que le réseau social Facebook, fondé par Mark Zuckerberg, a été décroché en raison de son usage contesté des données confidentielles de ses utilisateurs (500 millions de dollars de capitalisation seulement).

Selon le Wall Street Journal, la performance boursière d’Amazon, d’Apple et de Microsoft explique à elle seule plus du tiers de la progression de la Bourse américaine depuis le 1er janvier.

Les observateurs estiment qu’Amazon devrait rapidement devenir la première capitalisation mondiale. Cette envolée fait de son fondateur l’homme le plus riche des Etats-Unis. La fortune personnelle de M. Bezos, qui détient 16 % du groupe, est de 167 milliards de dollars, selon le magazine Forbes. Il a largement distancé Bill Gates, le fondateur de Microsoft (95 milliards), et Warren Buffett, fondateur du fonds d’investissement Berkshire Hathaway (87 milliards de dollars).

Lors de l’introduction en Bourse d’Amazon, en 1997, trois ans seulement après la création de sa librairie sur Internet, M. Bezos avait prévenu ses actionnaires : il resterait indifférent aux « réactions à court terme de Wall Street ». Et son groupe, qui a étendu son activité au commerce en ligne, a mis du temps à décoller, au point que le fondateur a été contesté.

Une main-d’œuvre peu qualifiée

L’entreprise aurait sans doute fait faillite avec l’explosion de la bulle Internet, en 2000, si elle n’avait pas juste avant sécurisé un financement de près de 800 millions de dollars. Elle n’a en effet enregistré son premier profit qu’en 2003, et il a fallu attendre 2009 pour qu’elle retrouve son cours de Bourse d’avant 2000, et dépasse de nouveau les 100 dollars. L’action en vaut aujourd’hui vingt fois plus, et l’entreprise emploie 550 000 personnes dans le monde. Elle tente de s’imposer dans le secteur de la pharmacie, a repris en 2017 les magasins Whole Foods pour prendre pied sur le marché de l’alimentation et s’est développée avec succès dans l’informatique dématérialisée (le « cloud »), activité qui génère la majeure partie de ses bénéfices.

A la différence d’Apple ou de Google, Amazon, comme tout distributeur ayant besoin de réaliser des tâches « simples » (l’emballage et la livraison des colis), emploie largement une main-d’œuvre peu qualifiée. Son sort a suscité les protestations du sénateur du Vermont, Bernie Sanders. « Partout dans ce pays, des employés d’Amazon qui travaillent pour l’homme le plus riche du monde ont des salaires si bas qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Des milliers sont forcés de dépendre de l’aide alimentaire, de l’aide médicale et du logement public, car leurs salaires sont trop bas », a-t-il accusé.

Selon l’organisation non gouvernementale The New Food Economy, en Arizona, un employé sur trois d’Amazon – ou son conjoint – perçoit l’aide alimentaire. En la matière, la firme fondée par M. Bezos n’est pas la seule, puisque, comme le précise l’ONG, dans cet Etat, les premiers employeurs de salariés dépendants de l’aide alimentaire sont Walmart, McDonald’s, ainsi que les groupes de distribution Circle K et d’électronique Fry’s. Devant Amazon. Cependant, la fortune du patron du groupe rend l’affaire peu acceptable.

Attaques de Donald Trump

Amazon a tenté de se défendre, expliquant que les salariés concernés l’étaient à temps partiel, que la rémunération moyenne de ses employés à plein temps était de 34 000 dollars par an et que 90 % de son personnel était payé 15 dollars de l’heure.

La société emploie chaque année des centaines de milliers de travailleurs saisonniers, parfois retraités, pour préparer les emballages des fêtes de fin d’année dans des entrepôts disséminés à travers tous les Etats-Unis. Certains, rencontrés fin 2017 dans le Kentucky, déclaraient toucher environ 12 dollars de l’heure, alors que le salaire minimal y était de 7,25 dollars.

A droite, Donald Trump attaque aussi Amazon, dont le patron détient le Washington Post, un quotidien qui ne ménage pas le président américain. Le locataire de la Maison Blanche accuse le géant de l’e-commerce, avec quelques arguments, d’abuser de la poste américaine, l’un des seuls services publics – au niveau fédéral – des Etats-Unis qui lui facturerait ses prestations à un tarif bradé.

La polémique se poursuivra quand Amazon choisira son second siège, censé employer 50 000 personnes, et pour lequel 5 milliards de dollars devraient être investis. Des dizaines de villes américaines se sont livrées à des surenchères – coupes fiscales, promesses d’infrastructures. Le choix, effectué parmi une « short list » d’une vingtaine de villes, devrait être annoncé au cours des semaines à venir.

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